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La marché de l'art se met en ligne

Cela devait arriver ! Dans un marché de l'art mondialisé aujourd'hui en pleine euphorie, la vente en ligne d'œuvres artistiques ne cesse de se développer. La preuve, Sotheby's et eBay se marient sur la toile et Artprice se lance dans les enchères sur Internet. Explications.

Une fois encore, le marché mondial de l'art affiche des chiffres records : le produit des ventes aux enchères publiques, avec 7,15 milliards de dollars (monnaie de référence) au premier semestre 2014 a connu une hausse de 17%, alors que pour la même période l'année précédente, avec 12,2 milliards de dollars, le marché avait déjà pulvérisé ses ventes.

Il est vrai que de 500.000 collectionneurs des années 1950, on enregistre aujourd'hui près de 70 millions de consommateurs d'art et même si seulement 2% des 35 millions de millionnaires de par le monde achètent des œuvres d'art parfois très très chères... cet engouement fait logiquement grimper les prix d'adjudications.

Un marché totalement mondialisé : en légère progression, les Etats Unis avec 2,4 milliards de dollars occupent la première place avec 33,5% de parts de marché devant la Chine (27,7%, en recul du fait de beaucoup d'impayés et de ventes pas toujours très réglementées), le Royaume uni (25,2% en nette avancée) et la France (3,98%, en perte de vitesse).

C'est dans ce contexte que dans la même semaine deux grands du secteur viennent d'annoncer leur arrivée dans le marché des enchères d'art en ligne.

D'abord Artprice, le leader mondial des bases de données (27 millions de résultats d'adjudications, la cote de 565.000 artistes, 108 millions d'images en stock, suivi de 4500 sociétés). Il s'agit via une introduction en Bourse à New York de lancer sa propre plate-forme d'enchères en ligne en s'appuyant sur ses millions d'abonnés dont beaucoup de professionnels qui mettent déjà en vente sur le site Arprice.com d'innombrables œuvres à prix fixe. Il s'agit aussi de contourner une réglementation française rétrograde et protectrice qui distingue encore courtage et vente aux enchères, cette dernière ne pouvant être effectuée que par un commissaire-priseur agréé.

Ensuite Sotheby's qui s'allie avec eBay pour proposer des enchères en ligne d'abord aux Etats-Unis avant de s'étendre à toutes les salles de la société dans les années à venir. Si les vacations les plus prestigieuses ne sont pas concernées, ces ventes plus abordables seront dédiées à la photographie, aux bijoux, à la céramique, etc, 18 catégories en tout. Il s'agit là d'un retournement complet de stratégie de la maison américaine. Car si Sotheby's avait été une des premières à se lancer (avec Amazon puis avec, déjà, eBay en 1999 et 2002) elle avait totalement revu ses ambitions à la baisse. Aujourd'hui, elle doit combler son retard en la matière, un peu face à des concurrents de plus en plus présents (tels heritageauction, auctionata, livesauctionners, paddle8, artsper, expertissim et même drouotlive voire encheres.lefigaro) et beaucoup face à sa rivale Christie's, beaucoup plus active en ce domaine depuis des années (en 2011, elle avait organisé la vente, en ligne uniquement, de la collection des bijoux d'Elisabeth Taylor), qui avec 16,5 millions de dollars au premier semestre 2014 a vu ses ventes en ligne progresser de 70%.

Car le marché est prometteur, il est estimé aujourd'hui à 1,6 milliard de dollars; il ne représente qu'un petit 2,4% de la valeur totale du marché et l'on table sur 4,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires d'ici à quatre ans. Plus valorisant encore, un sondage (Hiscox) révèle que 40% des collectionneurs sondés ont déjà acquis des objets en ligne, et un quart des moins de 25 ans y ont même acheté leur première oeuvre, tous estimant qu'un "click and buy" est moins intimidant qu'un achat en galerie ou en salle des ventes.

Certes, plus de la moitié de ces achats ne dépasse pas les 12.000 dollars et ce sont surtout les affiches, lithos et autres reproductions à tirage plus ou moins limité sous les 3000 dollars qui ont le plus de succès. Mais depuis quelques temps, on note un attrait nouveau pour la numismatique, la photographie contemporaine, le mobilier design, le vin et les objets vintage, notamment la mode et ses accessoires.

Phénomène notable, il s'agit là de nouveaux acheteurs, pour un quart de la clientèle de Christie's par exemple. De plus, le montant moyen grimpe petit à petit. Le record est détenu par un ouvrage du naturaliste Audubon "Oiseaux d'Amérique" à 3,4 millions de dollars : il devrait être battu prochainement.

Reste que si la plupart des plus grandes sociétés d'enchères en ligne offrent d'utiles informations, photos, rapports d'état de conservation, certificats d'authenticité, expertise reconnue, garantie financière -ce qui n'est pas toujours le cas des autres sites- plusieurs obstacles demeurent.

Impossible par exemple de savoir, si ce n'est précisé lors de mise en vente, qu'une lithographie est signée de la main de l'artiste ou si cette signature a été imprimée: une différence qui peut faire varier la valeur du simple au double. Autre réserve, le manque de transparence de ce marché en pleine mutation, concernant notamment les estimations initiales (dont on ne connaît pas la base), le prix de réserve (en dessous duquel le vendeur ne cède pas son bien), l'affichage des résultats et du nombre des invendus, informations essentielles pour établir une cote.

Un article de Jérôme Stern dans le Huffington Post / novembre 2014

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